La légende de Sygéric
Extraits
aperçu textuel
Le prologue du Ménestrel
Le texte commence avec « le prologue du Ménestrel » qui harangue le lecteur et lui rappelle cette page lointaine de notre histoire. Peu à peu se dessine le personnage de Sygéric et la mission qu’il doit accomplir. Le ménestrel revient avec un chant en alexandrins, juste avant l’acte III, qui indique au lecteur le chemin déjà parcouru et les effets de cette route sur l’âme de Sygéric. Enfin, « l’épilogue du ménestrel », écrit de manière poétique tire en quelques sortes les leçons d’un si long voyage et invite le lecteur à la réflexion.
Extrait 1
An de Grâce 990, après J.Christ.
Forêt de Verzy, près de Reims en Francie.
A la tombée de la nuit, un homme, un chevalier, est accroupi près d’un feu où il fait rôtir un lièvre à la chaleur de la flamme.
Alors qu’il a le dos tourné, une créature toute frêle et pas plus grande qu’un enfant de dix ans, s’avance à pas de loup et s’accroupit à son tour, sur une souche d’arbre afin de contempler le visiteur.
Le petit être entoure ses genoux de ses bras et tourne
doucement son visage de chouette, comme intrigué par le spectacle.
Sous le poids de cette frêle apparition la souche cède et un craquement se fait entendre.
Sygéric tourne la tête brusquement et, entrevoyant l’animal humain, saisit sa dague et bondit vers lui. D’une voix forte, il lui demande
- Qui es tu ?
La créature se protège le visage de ses bras et crie d’une voix aiguë :
- Ne me fais pas de mal ! Je ne suis pas armée
- Qui es tu ? Réitéra Sygéric en avançant sa dague.
Baissant lentement ses bras, l’étrange apparition dévoila un visage blanc de chouette sur un corps d’enfant mêlé de plumes d’oiseaux. Elle le regarda fixement et lui rétorqua d’une voix calme
- Je suis « l’Esprit des Légendes ». J’habite dans cette forêt depuis que le monde est né. Je ne suis visible que pour les humains dont la vie engendrera une légende. Et toi, Sygéric de
Cantorbéry, qui a déjà fait un long voyage, tu es un homme à légende. (…)
Sabine ROSTAING. La légende de Sygéric, pp 19-20 / ACTE I, Scène 1.
Extrait 2
Sygéric se releva en position assise et regarda dans la carriole.
- La châsse de St Augustin !
- C’est un grand malheur ! confirma Preuilly
- Une calamité ! renchérit le chevalier.
- Comment est elle venue dan s notre carriole ? interrogea le ménestrel sincèrement interloqué.
- Je crois avoir ma petite idée … répondit le chevalier Quelqu’un nous l’aura mise pour nous confondre. Nous devons la restituer au plus vite.
- Pour sûr, Messire ! Mais comment allons nous faire ? Nous ne pouvons pas taper à la
porte de la première église et leur dire : tenez, on vous rend cette châsse ; elle était dans notre carriole mais rassurez vous, nous ne l’y avons pas mise ! - Bien sûr que non ! Nous déposerons le reliquaire de nuit devant l’église de St Pietro. Après tout, l’évêque de Vercelli a bien dit qu’elle venait de là.
- Et si quelqu’un nous voyait ? Il nous dénoncerait et nous serions décapités par un gros bourreau lombard !
- Calme toi, Preuilly ! Personne ne nous verra. En attendant, cachons la dans la carriole et mène moi chez la guérisseuse. Nous attendrons que Pavie dorme pour opérer. (…)
Sabine ROSTAING. La légende de Sygéric, p 244 / ACTE IV, Scène 7.
Extrait 3
Au bout de trois nuits, Sygéric curieux, lui demanda
- Qu’écris tu mon ami ? Je te vois, depuis plusieurs nuits, attelé fiévreusement à l’élaboration de je ne sais quel récit.
- Je consigne, monseigneur, le récit de notre voyage, comme vous me l’aviez demandé.
- C’est fort louable à toi de t’acquitter de cette tâche mais il n’est pas nécessaire que tu achèves le tout en trois nuits. Nous avons encore du temps avant d’atteindre Rome, tu sais !
- Je le sais messire, mais je l’écris pour pouvoir le jouer en « mystère » lors de notre prochaine étape.
- Tu veux jouer le récit de notre voyage ?
- Oui, messire. Je suis certain que cela plaira beaucoup aux gens d’ici. Un chevalier qui vient de Britannie sera pour ce peuple, un personnage exotique qui les surprendra !
- Tu y parleras de moi ? demanda le chevalier.
- Comment faire autrement, messire ?
- Mais que diras tu ? Et avec quelle marionnette me joueras tu ? Je ne veux pas être la risée de toute la Toscane !
- Vous ne l e serez point, je vous l’assure ! Je vais fabriquer des marionnettes à nos effigies et je raconterai la pure vérité sur notre périple. Il n’est pas besoin d’autre chose.
- La pure vérité, la pure vérité…Enfin cela dépend…Tu peux aussi écrire une chanson de geste qui narre les hauts faits de ton maître et exalte le courage et la noblesse de cœur.
- Je ne suis point doué, monseigneur pour les longs poèmes mais je vous promets de conter tous vos hauts faits.
- Bien. Lesquels conteras tu ? interrogea Sygéric en croisant les bras. (…)
Sabine ROSTAING. La légende de Sygéric, p 283 / ACTE V, Scène 1.
Extrait 4
San Genesio était en fête. (…) Les fameux tambours de San Genesio, appelés « Terremoto », rythmaient les pas des danseurs. (…) L’Esprit des Légendes allait tendre la main quand tout à coup elle la retira, s’arrêta net et se mit les deux poings sur les hanches.
- Que fais tu là ? demanda t elle d’un ton grave.
- Quoi ? N’ai je pas aussi le droit de m’amuser ?
- Et depuis quand le diable s’amuse t il ?
- Depuis toujours ! Je m’amuse tout le temps ! Tout ce qui peut arriver de sombre et de triste aux humains m’amuse énormément. Et je ne manque jamais d’animations.
- Tu as choisi la facilité. Voilà pourquoi nous ne pourrons jamais jouer ensemble.
- Comme tu voudras. Mais je pense que tu devrais essayer de considérer les choses de mon point de vue avant de te draper dans tes valeurs de bonté, de justice, de mérite… »
Sabine ROSTAING. La légende de Sygéric, p 302 / ACTE V, Scène 4.